Après la baguette, la pâtisserie à l’Unesco ?

Le pâtissier Laurent Le Daniel porte, aux côtés de Pierre Hermé, le projet de faire inscrire la pâtisserie au patrimoine mondial de l’Unesco.

Président de la Confédération nationale des artisans pâtissiers, le Rennais Laurent Le Daniel œuvre dorénavant à faire inscrire la pâtisserie au patrimoine mondial.

L’an dernier, le Meilleur ouvrier de France (MOF) pâtissier Laurent Le Daniel a été nommé Chevalier dans l’ordre national du Mérite. Une reconnaissance officielle pour cet homme de convictions, engagé de longue date dans la défense de l’artisanat. Président de la Confédération nationale des artisans pâtissiers chocolatiers glaciers confiseurs traiteurs depuis 2021, il a été réélu en octobre dernier pour un mandat de trois ans. L’occasion de faire le point sur l’actualité et les enjeux du métier, dans un contexte de forte augmentation du prix des matières premières, chocolat en tête. Il évoque également son ambition de porter la pâtisserie jusqu’à l’Unesco.

La Toque magazine (LTM) : Quel regard portez-vous sur l’évolution du métier depuis votre apprentissage dans les années 1980 ?

Laurent Le Daniel (LLD) : La pâtisserie a pris un envol, à l’échelle nationale et internationale, que je n’aurais jamais imaginé. La médiatisation a contribué à décupler la notoriété du métier et de ses artisans auprès du grand public. Je suis aussi bluffé par l’incroyable créativité des pâtissiers. L’évolution du matériel — plus pointu — et des matières premières — plus qualitatives — a participé à cette progression.

LTM : En tant que président de la Confédération nationale des artisans pâtissiers, quels sujets vous tiennent à cœur ?

LLD : J’ai beaucoup œuvré dans le champ de la formation, avec la mise en place de deux mentions complémentaires [désormais appelées Certificats de spécialisation, NDLR] : “Pâtisserie de boutique”, présentant un référentiel distinct de celui de la mention axée sur les desserts de restaurant, et “Techniques du tour en boulangerie et en pâtisserie”. Cette dernière vise à la reconnaissance de ce savoir-faire commun à la boulangerie et à la pâtisserie. Si ces deux métiers sont complémentaires, je milite pour la reconnaissance des particularités de la pâtisserie. C’est dans cet esprit que nous travaillons à la refonte du bac professionnel, sur sollicitation de l’Éducation nationale. La mouture actuelle mélangeait trop boulangerie et pâtisserie ; à l’avenir, la première année se ferait en tronc commun, avec deux ans de spécialisation par la suite.

LTM : Vous vous êtes également mobilisé l’automne 2024 avec d’autres organisations artisanales (dont la Confédération nationale de la boulangerie-pâtisserie française) contre le projet de taxe sur les sucres ajoutés dans les produits alimentaires transformés ?

LLD : Il y a un vrai sujet de santé publique sur le sucre. Mais nous n’avons pas compris la démarche des politiques consistant à s’attaquer à ce problème tous azimuts, en mettant les artisans dans le même panier que les industriels. A fortiori dans un contexte d’augmentation du coût des matières premières, qui nous impacte fortement. Surtout que nous avons déjà largement désucré nos recettes ces dernières années. Pour autant, une pâtisserie reste un plaisir qui n’obtient pas les meilleures notes au Nutri-score… Il nous a fallu faire de la pédagogie autour de cela. Le projet a été ajourné pour le moment mais nous restons vigilants.

LTM : Un titre de MOF en 1997, cinq boutiques aujourd’hui, une nomination comme Chevalier dans l’Ordre national du Mérite en 2024… Un parcours sans faute ?

LLD : Si la pâtisserie a été une véritable vocation, je n’ai par contre jamais fait de plan de carrière. Les étapes se sont enchaînées, à la suite de rencontres ou à d’opportunités. En arrivant à Paris j’ai travaillé chez Jean-Paul Hévin, fraîchement promu l’un des MOF. Cela m’a motivé à passer le concours à mon tour et j’ai décroché le titre au premier essai. Du jour au lendemain, on sort de l’ombre. Pour autant, je n’ai jamais considéré le titre de MOF comme un aboutissement ou une fin en soi. C’est comme le grade de Chevalier dans l’Ordre national du Mérite. Ces distinctions font plaisir, bien sûr, mais cela vous oblige, vous responsabilise davantage. D’où mon engagement, bénévole, dans la promotion et la défense de l’artisanat. Dans nos métiers, on n’existe jamais tout seul. Je crois en l’action collective.

LTM : Vous cultivez cet état d’esprit jusque dans votre entreprise ?

LLD : Nous avons démarré modestement. Après quatre années d’enseignement à l’École nationale supérieure de la pâtisserie et mon titre de MOF, j’ai eu envie de revenir à mes racines bretonnes pour m’installer. À l’époque, il y avait très peu de purs pâtissiers à Rennes. Nous avons inauguré notre premier magasin en 1998, qui a vite bien fonctionné. Un deuxième emplacement a ouvert deux ans plus tard, et ainsi de suite jusqu’au cinquième. Mais je ne cherche pas à me développer à tout prix, et surtout pas au détriment de la qualité et de l’humain. Quatre-vingt-dix-neuf pour cent de nos produits vendus en magasin sont fabriqués dans notre laboratoire central, en périphérie de Rennes. Par le passé j’ai été solitaire dans la création. Désormais j’échange avec mes collaborateurs lors de séances de brainstorming. Cela permet de les valoriser et, ensemble, on va plus loin.

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